SUMMARY
Le rôle de l’enregistrement sonore et l’évolution des pratiques d’écoute dans la représentation de la musique expérimentale depuis les années 1960 : une enquête menée à partir d’un vaste travail d’archive, d’une expérience directe avec des artistes de différents horizons et d’une approche pluridisciplinaire de l’œuvre de John Cage et des avant-gardes, qui ouvre des perspectives inédites dans les champs de la musicologie historique, des études des musiques populaires, de la production phonographique et de la performance expérimentale.
Le mépris de John Cage pour les disques était légendaire. Le compositeur n’a cessé d’affirmer que la musique enregistrée était antithétique à son œuvre. Dans Les disques gâchent le paysage, David Grubbs soutient que, à la suite de Cage, les productions issues des musiques expérimentale et d’avant-garde apparues au cours des années 1960 étaient particulièrement inadaptées à la forme enregistrée. Parmi ces pratiques figurent la musique indéterminée, le minimalisme de longue durée, les partitions textuelles, les happenings, la musique électronique live, le free jazz et l’improvisation libre. Comment représenter par le disque de telles pratiques aussi résolument évanescentes ?
À leur époque, seul un petit nombre de ces œuvres circulait sous forme enregistrée. À l’inverse, les auditeurs d’aujourd’hui découvrent cette musique, non seulement grâce à la flopée d’éditions et de rééditions LP ou CD, mais plus encore par le partage de fichiers et les ressources en ligne. Les auditeurs se familiarisent désormais à la musique expérimentale de cette époque à travers les documents enregistrés de compositeurs et musiciens qui, pour la plupart d’entre eux, reniaient l’enregistrement. Les disques gâchent le paysage trace les contours d’un paysage musical marqué par l’altération continue des pratiques d’écoute.